Guerre et Paix, Sergueï Bondartchouk (1966-67)

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Erwann
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Guerre et Paix, Sergueï Bondartchouk (1966-67)

Messagepar Erwann » 04 décembre 2023 à 16:45

Erwann a écrit :
Herbefol a écrit :Par contre, je suis très tenté de m'enfiler huit heures de Guerre & Paix par Bondartchouk.

Le film passe au Reflet Medicis à Paris en ce moment, sous la forme de trois séances (épisode 1, épisode 2, épisodes 3 +4). Je sais ce que je vais faire de mon dimanche ^^


Mes souvenirs du roman de Tolstoï remontent à longtemps ; je me souviens que j’avais traversé le premier quart sans trop rien comprendre, avant de commencer à plonger dans l’histoire. Et que les cent pages d’épilogue en forme d’essai m’avaient tué.
Bon. Guerre et Paix de Sergueï Bondartchouk, film fleuve tourné en réaction à la version US de Guerre de Paix par King Vidor, récompensé à Cannes et aux Oscars. En fait, le film est divisé en quatre épisodes, et, quand je l’ai vu, réparti sur 3 séances. (La première comprend le 1er épisode (André Bolkonski) et le début du 2e (Natacha Rostova), la deuxième montre le reste de Natacha Rostova et la troisième contient les épisodes 3 et 4, 1812 et Pierre Bezoukhov. C’est la version courte (6h40 tout de même) qui était diffusée — la version longue durant quant à elle la bagatelle de 8h.
Les deux premiers épisodes sont intéressants mais longuets. D’un côté, l’on suit le prince André Bolkonski, qui s’engage dans l’armée du Tsar mais est blessé lors de la bataille d’Austerlitz ; de l’autre, Pierre Bezoukhov (joué par le réalisateur) qui, revenu d’un long séjour en Europe, cherche un sens à sa vie dans la bonne société pétersbourgeoise puis moscovite (et ce n’est clairement pas dans son mariage qu’il trouve le sens en question). Lors de son premier bal, la jeune Natacha Rostova tombe amoureuse de Bolkonski, dont le caractère mélancolique est accentué depuis le décès en couche de son épouse, mais les fiançailles n’auront lieu que dans un an — un délai lors duquel Natacha vit sa vie et fait n’importe quoi aux yeux de sa famille.
Et puis arrive 1812, la Grande Armée de Napoléon envahit la Russie et le film de Bondartchouk devient fou. La bataille d’Austerlitz, déjà assez impressionnante, donne l’impression d’une aimable escarmouche face à la démesure de ce qui est déployé à l’écran lors de la bataille de la Moskova. Des soldats de partout, en formation ou en file indienne, aussi loin que porte le regard ; des cavaliers qui galopent dans un sens, dans l’autre ; la fumée des canons qui masque le champ de bataille, des généraux n’ayant aucune idée de la situation ; et au milieu de tout ça, un Pierre Bezoukhov en touriste, qui comprend que le sens de sa vie n’est pas à la guerre. C’est 45 minutes de chaos avec des milliers de figurants (merci l'Armée rouge) ; on ne sait plus si tel moment se passe le jour, la nuit ou dans la fumée de l’artillerie. Outre le bordel que l'on voit, il y a le bordel que l'on entend, comme s'il y avait aussi différents orchestres adverses qui jouaient en même temps, en plus du vacarme des voix et de la bataille. Je ne crois pas avoir rien vu de tel sur un écran avec des moyens non-numériques. C'était impressionnant.
Dans le dernier épisode, les troupes napoléoniennes sont à Moscou, une capitale quasiment vidée de ses habitants et qui finit par devenir la proie des flammes. À nouveau, c’est une quarantaine de minutes éreintantes de pur chaos (pour lequel Bondartchouk a construit une réplique de Moscou juste pour la cramer). Après tout ça, la retraite de Napoléon et la fin du film ont quelque chose d’un rien ennuyeux (et au bout de six heures, aussi, la fatigue se fait sentir).
Le film est long, mais sans que l’on ne s’ennuie vraiment, il y a toujours quelque chose à remarquer à l’écran. Et Bondartchouk se permet des audaces formelles qui ne le rendent jamais planplan — split screen, travellings expressionnistes, surimpressions —, c'est tout sauf un film en costumes, figé dans sa pompe.
Par moment, c'est drôle volontairement (la non-demande en mariage de Bezoukhov) ou involontairement (le commentaire en voix off célébrant la victoire « morale » de l'armée russe après leur défaite tactique à la Moskova / Borodino). Autre détail appréciable, les Français causent en français, les Autrichiens en allemand, les Russes en russe (et on a souvent droit au voice over russe quand les personnages causent en français).
Une chouette expérience de ciné.
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Re: Guerre et Paix, Sergueï Bondartchouk (1966-67)

Messagepar Herbefol » 07 décembre 2023 à 11:47

Merci beaucoup Erwann pour ton retour et ton abnégation.
Je compte bien le voir un jour aussi, mais ça risque de ne pas être de sitôt. Notamment parce que j'aimerai d'abord lire le roman de Tolstoï, qui est bien calé dans un coin de ma bibliothèque. Il faut juste que je trouve le courage de me plonger dans un de ces romans fleuve russe avec trois cents personnages qui sont tous désignés de cinq façons différentes. :P
En tout cas, ton retour va dans le sens de commentaires qu'a fait Sur le champ (et d'autres) sur la représentation incroyable (et possiblement inégalée et inégalable) de ce qu'est une bataille de cette époque.
L'affaire Herbefol
Au sommaire : La pointe d'argent de Cook, Black Man de Morgan, Navigator de Baxter, Cheval de Troie de Wells & The Labyrinth Index de Stross.
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Re: Guerre et Paix, Sergueï Bondartchouk (1966-67)

Messagepar Erwann » 13 décembre 2023 à 18:16

Pour le coup, voir Guerre et Paix sur grand écran n'avait rien d'une punition (et à en juger par la salle, petite mais toujours aussi remplie à la fin de la dernière séance, je n'étais pas le seul à m'être accroché). Tout est question de découpage (le fait de scinder le film en 4 épisodes répartis sur 3 séances y contribue positivement), de rythme, de caractérisation des personnages et de moments whaou . Et il y avait tout ça.
Dans le genre film-fleuve, Le Tango de Satan de Béla Tarr, 7h30 au compteur, avait été aussi une expérience plutôt intéressante (certaines scènes/séquences sont tellement longues qu'on peut facilement faire une pause WC ou aller se préparer un café sans craindre de louper quoi que ce soit de crucial). En revanche, m'infliger les films documentaires de Wang Bing (≃ 8 heures pour certains), ou encore Noli me tangere (≃ 12h30), je ne m'en sens pas la force — et ne serait-ce que l'envie.

Pour en revenir à Guerre et Paix, ça m'a donné aussi de relire le roman (en espérant être plus attentif que je la première fois !). Je l'ai posé en haut de ma PàL, et on verra ce que ça donne…
En ce qui concerne le réalisme des scènes de bataille, je n'en ai aucune idée : mes connaissances sur le sujet sont inexistantes. Ce que j'ai retenu, c'est que la représentation qui en est faite est celle d'un bordel monstre et contradictoire.
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Re: Guerre et Paix, Sergueï Bondartchouk (1966-67)

Messagepar JDB » 17 décembre 2023 à 02:47

Pour info: vient de sortir un coffret DVD avec l'intégrale du film (édition courante mais déjà luxe) et des bonus sur BluRay dans l'édition plus chère.
Des détails dans la sélection Noël du Point.
JDB
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Re: Guerre et Paix, Sergueï Bondartchouk (1966-67)

Messagepar Weirdaholic » 19 décembre 2023 à 19:08

Erwann a écrit :En revanche, m'infliger les films documentaires de Wang Bing (≃ 8 heures pour certains), ou encore Noli me tangere (≃ 12h30), je ne m'en sens pas la force — et ne serait-ce que l'envie.


Pour info, Rivette lui-même a fait une version redux de son Out one, intitulée Spectre. J'ai vu une des deux, de mémoire la deuxième (la plus courte), en salle il y a longtemps ; c'est intéressant dans mon souvenir, peut-être plus que les récits de Balzac dont il s'inspire.

Ceci dit, pour moi le meilleur film de Rivette, celui où il arrive le plus à enchanter Paris, c'est un film court (pour lui ^_^), et en plus un film de genre (de fantasy urbaine mettons), Duelle, où il n'y a guère qu'un plan pourri, vers la fin (à l'évidence, ce gros plan a été ajouté à la demande du producteur, qui penserait qu'on ne comprendrait rien à l'action en cours ; Rivette détestait notoirement les gros plan). Bon, je l'idéalise peut-être, ne l'ayant pas revu depuis un moment...

Oups, j'ai digressé. T_T

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