[Polar] Lune rouge, John Bailey (1994)

[Thomas Day]

La fiche IMDB

Kyle Bodine (Ed Harris), un policier très doué pour résoudre les meurtres, s'intéresse à une jeune femme, Rachel (Madeleine Stowe, magnifique de fragilité) battue par son richissime mari (Charles Dance, interprète génial de personnages immondes). Kyle travaille avec Lamar (Benicio del Toro, à peine tombé du berceau, on dirait qu'il a dix-neuf ans). Quand Kyle commence à entretenir une liaison avec Rachel, il ignore à quel point il entame une partie dangereuse.

Lune rouge est d'un classicisme total qui renvoie une fois encore à Assurance sur la mort de Billy Wilder. L'intérêt du film n'est pas dans le scénario (même s'il réserve quelques petites surprises), mais dans les détails de l'improbable liaison entre Kyle et Rachel. C'est douloureux de voir ce flic émérite, mais qui sur le plan personnel est un raté total, tomber amoureux d'une femme riche qui n'a jamais été faite pour lui. Le réalisateur, très cruel, porte un regard précis sur cette descente aux enfers (il s'attarde sur la calvitie d'Ed Harris, ne le met pas en valeur, le rabaisse tout en magnifiant Madeleine Stowe, en soulignant sa quasi absence de poitrine, sa féminité de porcelaine, presque évanescente). Une fois n'est pas coutume, c'est l'intelligence et la fragilité des personnages qui est mise en avant et non leur propension à utiliser la violence.

Ce n'est pas un grand film, John Bailey n'a jamais été un grand réalisateur, mais le quatuor d'acteurs (au sommet de leur art) fonctionne particulièrement bien. Et la scène où Madeleine Stowe se déshabille devant un Ed Harris qui n'en espérait pas tant est d'un érotisme tranquille, extrêmement mesuré, tout à fait contraire à l'habituelle vulgarité hollywoodienne en la matière. Là, en cet instant parfait, on se rapproche des plus belles scènes de Robert Mulligan.

TD