Transparent de Makoto Satô

[Weirdaholic]

Résumé (avec quelques imprécisions) selon Manga News (la série n'est plus commercialisée par Glénat) :

Depuis quelques décennies, certaines personnes naissent avec un mal étrange: à cause d’une dégénérescence congénitale cérébrale, leurs sentiments et émotions se répandent en permanence hors de leur boîte crânienne, telle l’eau d’une carafe qui se remplirait constamment. Ainsi, leurs pensées les plus profondes sont entendues par n’importe qui se trouvant dans un rayon d’une cinquantaine de mètres. Ces personnes étranges qui sont dans l’incapacité de mentir ont un nom: on les appelle les Transparents.
Statistiquement, il naît un transparent sur dix millions de personnes. Pourtant très peu nombreux, ces êtres fascinants sont le moteur de la progression de notre monde. En effet, tous les transparents se sont avérés être de véritables génies, et se sont illustrés dans de nombreux domaines. Einstein lui-même en aurait été un. Les différents pays développés ont pris conscience du phénomène, et les considèrent aujourd’hui comme de véritables trésors nationaux. Néanmoins comment réagir en apprenant que nos secrets et nos émotions sont connues de tous en permanence, et ce depuis le jour de notre naissance? Les premiers cas ayant appris leur véritable nature ont très rapidement sombré dans la névrose ou dans la folie. Certains d’entre eux se seraient même suicidés. Pour empêcher que cela ne se reproduise, les transparents sont protégés en permanence pour éviter que cette terrible vérité n’éclate au grand jour.
Cette histoire se déroule de nos jours, au Japon, et nous propose donc de suivre le destin de quelques-uns de ces transparents, seuls êtres sincères dans un monde de mensonge qui les entoure…

Ma chronique, croisée avec Nous sommes la poussière

Notez que le titre est beaucoup plus sérieux (et beaucoup mieux dessiné) que les couvertures ne le montrent. Je mets un exemple ci-dessous, même s'il n'est pas forcément très représentatif.

[Albumine Tagada]

Très chouette double chronique (qui comme d'hab me fait apprendre moult concepts, dont celui de novum, et ouvrir moult onglets que, je le sais, je ne trouverai jamais le temps de lire en entier, snif).
Concernant l'autisme en SF, j'ai pour ma part toujours eu l'impression que dans Cristal qui songe, Sturgeon faisait de son jeune protagoniste un personnage sinon autiste, du moins neuroatypique (il possède une mémoire phénoménale, retient tout ce qu'il lit, mais peine parfois à réfléchir et à prendre des décisions par lui-même, etc). Ce qui pourrait éclairer la révélation à la fois triste et sublime du roman.

[Weirdaholic]

Concernant l'autisme en SF, j'ai pour ma part toujours eu l'impression que dans Cristal qui songe, Sturgeon faisait de son jeune protagoniste un personnage sinon autiste, du moins neuroatypique (il possède une mémoire phénoménale, retient tout ce qu'il lit, mais peine parfois à réfléchir et à prendre des décisions par lui-même, etc). Ce qui pourrait éclairer la révélation à la fois triste et sublime du roman.

Cristal qui songe, c'est un titre que j'aurais pu citer aux côtés de Des fleurs pour Algernon et La Main gauche de la nuit (Sturgeon fait clairement partie des auteurs intéressés par les personnages avec un mode de pensée différent).

Ca fait longtemps que je l'ai lu (il faudrait que je le relise, d'ailleurs), mais je pense que tu as raison, on peut interpréter le personnage comme TSA-codé (à tout le moins, il y a clairement chez Sturgeon une réflexion sur la capacité et son envers, le handicap).

En fait, il y a beaucoup plus qu'on ne pense de personnages TSA-codés (pour citer un exemple récent, Alba dans Les Flibustiers de la mer chimique l'est clairement, par exemple), mais c'est plus rare que l'histoire soit vraiment centrée sur une métaphore de l'autisme (l'ambition d'Eva D. Serves comme de Makoto Satô donc).

[Soleilvert]

l'autisme - bien vu ! - mais cette transparence n'est-elle pas contemporaine d'une certaine forme de disparition de l'intime via les réseaux sociaux ?

[Weirdaholic]

l'autisme - bien vu ! - mais cette transparence n'est-elle pas contemporaine d'une certaine forme de disparition de l'intime via les réseaux sociaux ?

Bonne question ! En fait, à l'époque où Makoto Satô a créé sa série, soit au début des années 2000, les réseaux sociaux n'étaient pas aussi développés qu'aujourd'hui (ils sont d'ailleurs totalement absents de la série, même si le personnage de Shiraki boursicote en ligne et dirige, à l'évidence, une boîte d'informatique).

Je pense donc que cette idée de la transparence lui est plutôt venue en réfléchissant sur le lien entre autisme et franchise (un.e autiste a du mal avec toutes les subtilités sociales comme les sous-entendus, d'où une tendance à dire "brutalement" ce qu'il ou elle pense, et c'est sans doute d'autant plus flagrant dans un contexte aussi policé que celui de la société japonaise).

Après, compte tenu du fait que beaucoup de personnages voient la transparence comme une malédiction, et que tous les Transparents sont plus surveillés que le lait sur le feu, c'est tentant de se dire que Makoto Satô avait anticipé notre actuel "capitalisme de surveillance", mais c'est involontaire je pense.

(Je suis en train de lire le glossaire Angles morts du numérique ubiquitaire, et il y a une entrée "neurodivergence", parce que justement cette minorité serait un des impensés de notre société de réseaux, quoique ayant pu se fédérer grâce au net.)

[Aldaran]

Je pense de mon côté que cette « brutalité » n'est pas autre chose que de l'honnêteté. Certes, c'est régulièrement perçu de manière brutale par des personnes qui ont moins de respect envers l'honnêteté et n'y sont pas habituées mais, vu de ma fenêtre (non diagnostiquée), la brutalité ne provient pas des « autistes ». C'est d'ailleurs très perturbant lorsqu'on se rend compte qu'une pensée exprimée en toute franchise et telle qu'on la pense peut provoquer certaines réactions et ça tend souvent à creuser le fossé qui sépare les personnes qui s'efforcent de s'exprimer aussi franchement qu'elles le peuvent (à raison selon moi mais certaines sont incapables de faire autrement) et celles à qui ça ne viendra jamais à l'esprit (pour des raisons diverses, légitimes ou non).
Cela dit, les réseaux offrent l'éloignement nécessaire permettant facilement à un grand nombre de dire ce qu'il pense. Pour le meilleur et souvent pour le pire comme on peut le constater.

Intriguant, ce manga, faudra que je le déniche un jour quelque part.

[Weirdaholic]

Je pense de mon côté que cette « brutalité » n'est pas autre chose que de l'honnêteté. Certes, c'est régulièrement perçu de manière brutale par des personnes qui ont moins de respect envers l'honnêteté et n'y sont pas habituées mais, vu de ma fenêtre (non diagnostiquée), la brutalité ne provient pas des « autistes ». C'est d'ailleurs très perturbant lorsqu'on se rend compte qu'une pensée exprimée en toute franchise et telle qu'on la pense peut provoquer certaines réactions et ça tend souvent à creuser le fossé qui sépare les personnes qui s'efforcent de s'exprimer aussi franchement qu'elles le peuvent (à raison selon moi mais certaines sont incapables de faire autrement) et celles à qui ça ne viendra jamais à l'esprit (pour des raisons diverses, légitimes ou non).

Je ne vais pas dire le contraire, lol.

En fait, cette question est abordée dans le manga, il y a une femme Transparente qui a été élevée pour dire toujours ce qu'elle pense (et ainsi compenser son handicap, puisque de toute façon tout le monde le saura), et une autre qui vit dans un endroit où tout le monde dit ce qu'il pense tout haut (pour être à égalité avec elle).

Evidemment, dans les deux cas, ça donne lieu à des scènes très cocasses (dans le second cas, un visiteur qui n'est pas au courant ment sur le goût d'une tarte faite par la Transparent, du coup elle en cuisine un stock), mais sous l'humour épars ça et là dans la série, il y a de vraies questions autour de l'honnêteté et de l'hypocrisie, justement - et accessoirement de vraies émotions.