Ursula K. LE GUIN - Le Langage de la nuit

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Aldaran
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Re: Ursula K. LE GUIN - Le Langage de la nuit

Messagepar Aldaran » 23 mai 2018 à 20:55

ZRK a écrit :Je regrette parfois le trop plein d'ambitions qu'on nous force à avoir dans cette société : il faut évoluer, il faut viser haut, il faut être publié, il faut être number one...

ZRK a écrit :Et je pense qu'on a confondu être publié avec, tout simplement, "partager" ses textes car oui, on partage souvent nos écrits. Mais on ne vise pas tous la publication.

Ah, je commence à discerner avec plus de précision l'un de nos points de divergences : ce que tu appelles « vouloir être publié », je l'appelle « vouloir être lu ». Vouloir dire à d'autres ce que je pense, partager mes réflexions, comme tu dis.
Jusqu'ici, le moyen le plus efficace pour ce faire, c'est être publié. Donc diffusé.
Certes, internet a changé la donne (et c'est loin d’être fini). J'ai entendu parler quelque part ici de « horde de blogueurs ». Et je ne parle même pas de la seule auto-publication littéraire qui a dû exploser. Des personnes qui publient pour diverses raisons qui ne me regardent pas (même si je peux avoir un avis personnel sur ces raisons lorsque je les distingue).
Non, je ne pense pas que vouloir être publié (vouloir publier tout court, d’ailleurs) implique forcément l'ambition du succès.
Perso, j'ai un blog. Volontairement asthmatique, je n'y parle que de ce que j'aime et uniquement lorsque je n'ai pas la flemme.
Je veux être lu. But principal : dire ce que je pense d'un disque ou d'un livre lorsque j'estime qu'il est très bon. Accessoirement, me rendre intéressant (comme maintenant, à l'heure ou je vais publier ceci).
Le second ne fonctionne pas bien, même si j'ai obtenu de très rares mais très intéressantes et surprenantes interventions.
Mais publier professionnellement, c'est avoir l'assurance d'être lu par beaucoup de monde (le chauve en chef doit avoir plein d'arguments pour s'inscrire en faux sur ce point précis, tout est relatif).

Ce serait dommage que le sujet parte en vrille, je le trouve intéressant. Et, au risque de me tromper, j'aime penser que dame Le Guin lirait cela avec curiosité, probablement un sourire aux coins des lèvres.
Que pense-t-elle de la quête du succès, cette dame ? Comme j'ai cru comprendre qu'elle préférait qu'on prononce son nom à la française, peut-être l'idée lui a-t-elle traversé l'esprit ?

Je suis content, j'ai un nouvel alibi pour refourguer l'excellent avant-propos de Ken Liu à La Ménagerie de papier.
(Vous allez rire : j'ai perdu mon exemplaire...)
Je ne pense pas que la motivation de ce type soit le succès mais la simple satisfaction « d'avoir l'impression d'être compris », dans une autre langue, à l'autre bout de la planète. Par un autre esprit ! Joie !
Il est lisible dans son intégralité ici (bouton cyan sous la couve).
Ne me remerciez pas, le plaisir est entièrement pour moi.
Modifié en dernier par Aldaran le 24 mai 2018 à 10:48, modifié 2 fois.
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Re: Ursula K. LE GUIN - Le Langage de la nuit

Messagepar Soleilvert » 23 mai 2018 à 22:01

Quand on a un peu d'ambition littéraire écrire sans être lu, cela finit par être épuisant. Au sens thermodynamique : tu ouvres une fenêtre, la chaleur accumulée se perd à l'extérieur. Mais si tu es lu, voir apprécié, l'extérieur te renvoie la chaleur, l'énergie. Il y a une dynamique d'échange.

Avant d'arriver à cette constatation, il y a, j'imagine, une primo-expérience chez tout écrivain dont j'ai eu l'intuition (grâce à Van Vogt et à ses délires). Si ce monde ne te plait pas, libre à toi d'en inventer un autre. C'est la schizophrénie du Monde des non-A.

Je plaisantais un jour sur un de mes ex PDG qui disait écrire pour apprendre à mettre de l'ordre dans ses idées. (le blog comme hygiène du cerveau par exemple). Comme objectif mineur ça me convient.

Finkielkraut va plus loin. Selon lui tout le monde passe son temps à se raconter des histoires. L' écriture romanesque permet de déchirer le voile qui nous sépare de la réalité.
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Re: Ursula K. LE GUIN - Le Langage de la nuit

Messagepar Aldaran » 23 mai 2018 à 23:13

Soleilvert a écrit :Je plaisantais un jour sur un de mes ex PDG qui disait écrire pour apprendre à mettre de l'ordre dans ses idées. (le blog comme hygiène du cerveau par exemple). Comme objectif mineur ça me convient.

Je fais ça aussi. Et puis le blog est super pratique pour figer une idée ou une impression pour la relire des années après.
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Re: Ursula K. LE GUIN - Le Langage de la nuit

Messagepar ZRK » 24 mai 2018 à 19:09

Aldaran : merci pour ton post. Je n'ai rien à ajouter.
Effectivement, on écrit pour être lu , ce n'est pas faux. Même si pour ma part, j'écris pour mieux me comprendre moi-même. Si quelques personnes aiment, tant mieux , mais le but , me concernant, n'est pas d'écrire pour plaire, mais d'écrire ce qui me plait. Je vise des appels à textes, quelques revues et mon entourage mais je n'ai pas plus d'ambition pour le moment. Et donc , au final, si j'écrivais essentiellement pour moi, je ne fouinerais ni du côté des AT ni des revues.

edit : pour en revenir à l'essai de Le Guin auriez-vous d'autres essais de ce style par d'autres auteurs SFFF ? Sur l'écriture notamment ? Je me suis noté l'autobio d'Asimov, j'ai déjà lu le livre de King, il y a longtemps j'ai lu le livre d'Orson Scott Card mais l j'aimerais bien en lire d'autres. Merci ! (en vf si possible, je ne lis pas l'anglais)

re-edit : Ken Liu a aussi dit ça :

La première de vos histoires que j’ai lues, La Ménagerie de Papier, a été un vrai choc ! Votre écriture est vraiment saisissante, et je pense que c’est la raison pour laquelle tout le monde adore vos œuvres, surtout sur notre site. Lorsque j’ai lu cette histoire, je venais de perdre quelqu’un, et ç’a été très cathartique pour moi. Presque tout le monde sur le site l’a lue en même temps, et elle nous a tous beaucoup marqués. Nous étions vraiment ravis quand elle a été publiée en France. L’Homme qui mit fin à l’Histoire est également sorti grâce au Bélial. En France, le public n’est pas aussi réceptif aux nouvelles que peuvent être les lecteurs anglophones.

C’est très drôle d’entendre ça, car de mon point de vue, les lecteurs anglophones se moquent complètement des nouvelles ! Je dis toujours que de nos jours, les nouvelles sont lues par d’autres auteurs. C’est le public visé quand on écrit des nouvelles et qu’elles sont publiées dans des magazines et des anthologies : il s’agit essentiellement d’autres auteurs qui veulent accéder aux mêmes publications. Ça vaut pour ce genre-là comme pour les autres. Mais je ne considère pas ça comme un problème. C’est comme écrire de la poésie aujourd’hui : c’est essentiellement destiné à d’autres poètes, qui sont parmi les seuls à en lire. Et alors ? Le fait que le public soit restreint et limité à des spécialistes n’invalide pas ce que vous écrivez. Ce n’est pas une activité commerciale, mais où est le problème ? Les gens participent à cet exercice littéraire parce que c’est amusant, intéressant, et parce que ça leur fait plaisir. Ça leur raconte quelque chose de profond sur la nature et sur la vie qu’ils ont envie de mener. S’ils aiment ça, où est le problème ? C’est comme ça que je vois les choses concernant les nouvelles : peu de gens les lisent dans les pays anglophones, mais je suis ravi d’en écrire malgré tout !


ou ça :

« Je me suis toujours moqué des critiques sur mon travail, qu’elles soient négatives ou positives. Le seul lecteur qui m’importe, c’est moi. J’écris ces histoires parce que c’est le genre de lecture que je veux avoir et qu’elles n’existent pas. Si d’autres lecteurs les apprécient, j’en suis ravi ; dans le cas contraire, je m’en fiche ! »


C'est marrant parce que je trouve le public français réceptif à la poésie mais je n'ai qu'une vision partielle et donc biaisée de la chose. Perso j'aime la poésie et concernant les nouvelles, j'aime de plus en plus, voir même les micro-nouvelles (les pépins du prix pépain j'adore ça) et c'est clairement grâce au Bélial et à Ken Liu. Depuis, les romans me lassent un peu. Enfin surtout les "longs".

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