Messagepar Mike Dyson » 24 janvier 2019 à 16:44
Je profite de ce thread sur l’excellent nouveau numéro de Bifrost (ça c’est de l’entretien, tiens !) pour rebondir sur la remarque dans l’édito (au constat toujours aussi triste) concernant la couverture visiblement peu avenante d’Anatèm (coucou L’Ombre du Bourreau chez Présence du Futur). C’est un fait, et pour un roman de ce rang, c'est dommage. Cela a sans doute été maintes fois évoqué ici et là, mais je trouve que c’est un problème récurrent dans la production hexagonale. Qui me semble personnellement pas mal larguée.
Pour rester sur AMI, Gilles avait je ne sais plus où affiché sa volonté d’y aller à fond sur le genre. Ok avec ça, mais cela ne doit pas s’empêcher d’être esthétisant. La première salve du catalogue était un repoussoir (comparer Mage de Bataille à la plupart des sorties Mnémos, y’a pas photo, ou American Elsewhere, plutôt ok en soi, mais qui rappelle les Dean Koontz en poche des 80’s, et en dit peu sur le roman et son ampleur). Je précise que le tir a été vite rectifié selon moi, les Hurley, Miller et Ferric sont de toute beauté, et le meilleur semble à venir. Il faut faire des choses en lien avec le roman bon sang, utiliser un élément de l’histoire, lui donner sa personnalité !
Comment peut-on sortir Dans la toile du temps, un des grands romans de l’année dernière, appelé à devenir un classique, avec une illustration pareille ?!? Une des pires jamais vues. Sans parler de tous ces énièmes vaisseaux en gros plan… N’y a-t-il pas mieux à faire ? J’aurais préféré pour le Gavin Chait voir un village autour de son imprimante 3D par exemple. Sans parler de l’horrible Bonheur TM… il faut penser à la personne qui se balade dans sa librairie un peu au hasard :)
A l’inverse, Le Problème à 3 Corps, j’aime l’avoir entre les mains… L’Enchâssement aussi (les exemples ne manquent heureusement pas).
Il y a également pour 80% des éditeurs un problème de charte graphique… et de typos ! A côté des éditions US, les typos ne sont vraiment pas terribles et manquent de finesse (Le Revenger US de Reynolds est hyper classe, simple mais réfléchi, le VF est plan-plan).
Bref, tout ça pour dire qu’au moment où le constat sur le marché global du livre est sans appel, il faudrait repenser en profondeur jusqu’à TOUTES les composantes. Sachez que je ne cherche pas du tout à troller, je soulève seulement un point qui, s'il semble de l'ordre du détail malgré tout, me parait cependant primordial. Une couverture qui en jette, c’est l’assurance de mon côté de chopper la version papier sans la moindre hésitation. Malheureusement tout ceci est bien subjectif (Hume, si tu nous regardes…)
Sujet directement voisin, toujours pour râler un peu, on évoque ces gens qui ne lisent plus, cette nouvelle génération qui ne fait pas le basculement des séries à la littérature. Je n’y vois moi aucun lien, les 2 disciplines n’ont rien à voir. L’une est passive, l’autre est active. Mais concernant les irréductibles curieux, il y’a un fossé des générations qui s’est je pense creusé, avec d’un côté celle, née entre 1945 et 1980, qui s’enthousiasme facilement pour des couvertures foireuses (ça vaaaa, je rigole), et de l’autre celle qui cherchera à s’initier en SF. La première lui conseillera encore et toujours les classiques dont les top 10 se font l’éternel écho. C’est à mon humble avis une erreur. 1984, Dune, Stratégie Ender, K. Dick, Fondation, vous connaissez la liste. Tout pour ne pas y revenir. Vous écumez Google avec la recherche « meilleurs romans SF », vous n’y coupez pas. Un ami cherche à pénétrer ce monde, je lui conseille justement Dans la Toile du Temps, Axiomatique, Vision Aveugle, La Fille Automate, Des RCW, les Three Body Problem, Le Fleuve des Dieux (preuve à l’appui, ces romans ont séduit des profanes dans mon entourage), etc… A la limite du Silverberg, mais là je parle pour moi. Un film des années 60 ou 70, aussi grandiose soit-il, aura une narration et un montage totalement différents (plus chiants) pour les nouvelles générations. C’est peut-être plus subtil dans la littérature, mais c’est pareil, et ça se ressent dans l’écriture. Il vaut mieux les laisser une fois accrochés revenir aux racines et s’y intéresser d’eux-mêmes.
J’ai vu une remarque passer comme quoi les éditeurs français ne serviraient plus à rien. C’est n’importe quoi de dire ça, mais je pense par contre qu’une partie de cette communauté commence à être légèrement vieillissante et se doit de rester vigilante.
En gros, il faut toujours être à la pointe, moderne, dans les visuels, dans le discours, dans l’approche. Seuls les meilleurs s’en tireront, c’est con à dire mais c’est comme ça.
Rien de fataliste en tout cas, 2019, quand je regarde la liste potentielle de sorties jusqu’à la fin de l’année, est d’ores et déjà un des plus beaux crus de tous les temps (je suis juste un peu sceptique sur Lunes d’encre). Et ça, je peux vous dire que par les temps qui courent, c’est vraiment appréciable.
Désolé pour ce pavé, c’était une réaction à chaud sur des choses peut-être pas si anodines que ça au final dans la grande balance. C'est une bataille de tous les instants, chaque soldat compte, même le cuisto.
Encore bravo pour ce numéro, et merci pour ce « pour le moment » concernant The Freeze-Frame Revolution :)