Rencontre ce matin avec l'auteure. Elle venait de l'apprendre et tout le monde la félicitait.
Bravo à elle. Et à l'éditeur qui a découvert et publié une nouvelle voix majeure de la sf française.
Les Sentiers de Recouvrance, Emilie Querbalec
Re: Les Sentiers de Recouvrance, Emilie Querbalec
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Re: Les Sentiers de Recouvrance, Emilie Querbalec
Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :Émilie Querbalec est la lauréate du prix Julia Verlanger 2024 pour Les Sentiers de Recouvrance.
M a écrit :Bravo à elle. Et à l'éditeur qui a découvert et publié une nouvelle voix majeure de la sf française.
Je plussoie. Et j'espère que ça donnera plus de visibilité à son oeuvre (si j'ai bien compris, à une époque les médias la boudaient un peu, pour ne pas dire beaucoup).
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Re: Les Sentiers de Recouvrance, Emilie Querbalec
Weirdaholic a écrit :Si j'ai bien compris, à une époque les médias la boudaient un peu, pour ne pas dire beaucoup.
En fait c'est totalement ça.
Ça me met en colère chaque fois que je publie un livre d’Émilie.
La presse féminine (entre autres) pourrait s'en emparer, elle a une histoire personnelle, familiale, forte ; un lien avec la catastrophe de Fukushima. La force de ses origines doubles, père philosophe français, mère japonaise. C'est une femme qui se met à publier relativement tard dans son parcours personnel et qui a des convictions, une vision. Elle bâtit vraiment une œuvre, elle ne se contente pas de publier un roman après l'autre.
Mais bon, comme elle écrit principalement de la science-fiction, comme elle a dépassé la cinquantaine (oui oui, vous pouvez ouvrir des yeux comme des soucoupes) aucune journaliste ne s'y intéresse.
Les Sentiers de Recouvrance, à part quelques blogueurs qui l'ont lu, c'est sorti comme si ce n'était pas sorti.
Mais Anna Pavlowitch (directrice d'Albin Michel) a très bien résumé le truc lors de ma dernière réunion budget : l'écologie, ça n'intéresse personne.
Pas de bol, ça m'intéresse moi.
Je pense que le sujet commence vraiment à nous renvoyer dans les cordes d'une réflexion existentielle désagréable. Et qu'il n'est globalement pas traité sous l'angle littéraire. Et ce que les gens veulent c'est globalement des livres qui ne font pas réfléchir (romance).
Les prix Renaudot et Goncourt, donc un livre sur le génocide au Rwanda et un livre sur les années noires de l'Algérie, montrent bien que la littérature française n'aime principalement qu'une chose, regarder dans le rétroviseur. Ce qui n'est pas choquant, loin de là.
Quand une catastrophe écologique d'une ampleur insoupçonnée nous frappera, il faudra vingt ans ou trente ans aux survivants pour sérieusement s'intéresser au problème.
Et il y aura sans doute deux ou trois crétins au pouvoir pour dire : "ah, mais on savait pas, on avait pas mesuré l'ampleur du problème".
Si t'avait un peu plus lu, connard, ça t'aurait sauté à la gorge.
« Lorsque le dernier arbre aura été abattu - lorsque la dernière rivière aura été empoisonnée - Lorsque le dernier poisson aura été péché - Alors on saura que l'argent ne se mange pas. » proverbe amérindien
C'est vraiment une guerre, une guerre contre les puissances de l'argent... Et on l'a perdu.
Et pour en revenir à Émilie, elle bosse sur son prochain roman, et si j'ai la chance de le publier, je mettrai le paquet.
Pour Les Sentiers de Recouvrance, je lui avais dit : "je ne mets pas de bande, tu vas encore avoir un prix". A force, tous ces prix devraient quand même avoir un impact. Du moins, je l'espère. Après si vous voulez n'avoir que des succès dans votre vie, surtout ne vous tournez pas vers l'édition.
GD
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Re: Les Sentiers de Recouvrance, Emilie Querbalec
Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :C'est une femme qui se met à publier relativement tard dans son parcours personnel et qui a des convictions, une vision. Elle bâtit vraiment une œuvre, elle ne se contente pas de publier un roman après l'autre.
Ca m'a marqué aussi : clairement, elle se renouvelle à chaque roman, elle n'est pas forcément là où on l'attendait, et c'est tant mieux... En prime, il y a une vraie réflexion derrière (son article sur la fiction-panier est devenue un de mes liens de références, et pas seulement parce qu'elle m'y crédite dedans. ^_^)
Perso son importance me saute aux yeux, mais bon, je ne suis pas non plus journaliste... Au moins, grâce à AMI, elle dispose d'un espace où déployer son talent (elle a trouvé le bon éditeur je pense ^_^).
Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :Les Sentiers de Recouvrance, à part quelques blogueurs qui l'ont lu, c'est sorti comme si ce n'était pas sorti.
Mais Anna Pavlowitch (directrice d'Albin Michel) a très bien résumé le truc lors de ma dernière réunion budget : l'écologie, ça n'intéresse personne.
Pour moi, ce livre aurait dû trouver son lectorat, le même qui a vu Your Name de Makoto Shinkai, comme tu le soulignais fort justement dans la présentation. Après, c'est possible que ça devienne un long-seller (surtout si ça passe en poche). C'est le type de texte pour lequel l'adjectif "limpide" a été inventé...
Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :Je pense que le sujet commence vraiment à nous renvoyer dans les cordes d'une réflexion existentielle désagréable. Et qu'il n'est globalement pas traité sous l'angle littéraire. Et ce que les gens veulent c'est globalement des livres qui ne font pas réfléchir (romance).
Les prix Renaudot et Goncourt, donc un livre sur le génocide au Rwanda et un livre sur les années noires de l'Algérie, montrent bien que la littérature française n'aime principalement qu'une chose, regarder dans le rétroviseur. Ce qui n'est pas choquant, loin de là.
Quand une catastrophe écologique d'une ampleur insoupçonnée nous frappera, il faudra vingt ans ou trente ans aux survivants pour sérieusement s'intéresser au problème.
Et il y aura sans doute deux ou trois crétins au pouvoir pour dire : "ah, mais on savait pas, on avait pas mesuré l'ampleur du problème".
Si t'avait un peu plus lu, connard, ça t'aurait sauté à la gorge.
« Lorsque le dernier arbre aura été abattu - lorsque la dernière rivière aura été empoisonnée - Lorsque le dernier poisson aura été péché - Alors on saura que l'argent ne se mange pas. » proverbe amérindien
C'est vraiment une guerre, une guerre contre les puissances de l'argent... Et on l'a perdu.
J'ai bien peur que tu ais raison... sauf sur un point : il n'y aura sans doute pas de survivants. ^_^
Le paradoxe, c'est qu'il y a une touche de romance dans Le Sentiers de recouvrance, mais elle n'est clairement pas traitée suivant les standards en vigueur dans le genre... Et l'écologie n'est pas non plus martelée, mais c'est peut-être justement ça (sa subtilité) qui rend le titre à part (inclassable je veux dire).
Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :Et pour en revenir à Émilie, elle bosse sur son prochain roman, et si j'ai la chance de le publier, je mettrai le paquet.
Chouette !
Re: Les Sentiers de Recouvrance, Emilie Querbalec
Mode HS :
Les programmes de Sciences au collège ont été repensé autour du dérèglement climatique, de la pollution, des écosystèmes... Puis on a eu des beaux discours d'IPR. Attention on est entrain de faire de nos élèves des éco-anxieux. Alors allez -y doucement. Ben en fait non... sinon le mur on va se le prendre encore plus fort.
Fin du HS.
Pour revenir à Emilie Querbalec, j'ai les deux romans, mais je plaide coupable, je n'ai pas lu Les Sentiers de Recouvrance. Par contre sa rencontre aux Utos m'a donné envie de m'y plonger.
Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :Mais Anna Pavlowitch (directrice d'Albin Michel) a très bien résumé le truc lors de ma dernière réunion budget : l'écologie, ça n'intéresse personne.
Pas de bol, ça m'intéresse moi.
Les programmes de Sciences au collège ont été repensé autour du dérèglement climatique, de la pollution, des écosystèmes... Puis on a eu des beaux discours d'IPR. Attention on est entrain de faire de nos élèves des éco-anxieux. Alors allez -y doucement. Ben en fait non... sinon le mur on va se le prendre encore plus fort.
Fin du HS.
Pour revenir à Emilie Querbalec, j'ai les deux romans, mais je plaide coupable, je n'ai pas lu Les Sentiers de Recouvrance. Par contre sa rencontre aux Utos m'a donné envie de m'y plonger.
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Re: Les Sentiers de Recouvrance, Emilie Querbalec
Le développement du râble, c'est tellement plus corporate.
(Ceci dit, Elon va sauver le monde... des riches)
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Re: Les Sentiers de Recouvrance, Emilie Querbalec
ubikD a écrit :Le développement du râble, c'est tellement plus corporate.
La (courte) remarque pas sérieuse : ce matin encore, la porte-parole du gouvernement mettait en garde contre "l'affaiblissement du râble" que susciterait la censure dudit gouvernement...
Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :Les prix Renaudot et Goncourt, donc un livre sur le génocide au Rwanda et un livre sur les années noires de l'Algérie, montrent bien que la littérature française n'aime principalement qu'une chose, regarder dans le rétroviseur. Ce qui n'est pas choquant, loin de là.
La (longue) remarque sérieuse (oui, je sais, j'ai un peu l'esprit de l'escalier) : je me demande si ces livres dont tu parles sont encore du roman ?
Je m'explique : au sens de Bakhtine (Esthétique et théorie du roman), le roman se caractérise par la façon dont il place son sujet dans une zone de contact avec le présent, et expérimente avec, ouvrant éventuellement une voie vers le futur (oui, c'est pour ça que j'aime bien Bakhtine pour parler de SF).
Le sujet en question peut parfaitement appartenir au passé (ou à la légende), tant que ce dernier n'est pas mis à distance et considéré comme une totalité close : songez à la manière dont Laurent Mantese ramène Conan à notre niveau dans La Sonde et la taille (Bakhtine parle plutôt de la Cyropédie de Xénophon, et remarque que le choix de parler d'un barbare est significatif vis-à-vis du monde grec).
A partir du moment où le sujet d'une oeuvre est rejeté dans un passé figé (normalement glorieux, mais il peut tout aussi bien être traumatique), un passé qui n'interagit pas avec notre époque, on est plutôt en présence d'une épopée (au sens de Bakhtine, qui n'a rien à voit avec ce qu'on entend couramment par "souffle épique", par exemple) - donc d'un genre voué normalement à célébrer un monde stable (le monde clos de l'antiquité, puis le monde uniformisé d'aujourd'hui ?), et pas à parler de changements (climatiques ou autres).
Evidemment l'épopée repose classiquement sur un personnage connu (par exemple Ulysse), dont la vie ne recèle donc pas de surprises, et dont l'épopée se contente de livrer une version '(souvent partielle) ; à partir du moment où l'on met en scène un personnage inconnu, on peut se dire qu'on est forcément dans du roman, sauf que...
J'ai jeté un coup d'oeil au premier chapitre de Jacaranda, et un truc m'a frappé (à part le style, moins limpide que celui d'Emilie Querbalec à mon avis) : le gamin qui y est mis en scène ne me donne pas envie de poursuivre plus avant ma lecture, alors que les ados des Sentiers de Recouvrance, si.
Et il y a une raison objective à ça, que je n'ai pas vue tout de suite : la première scène de ce chapitre 1 (un gamin invoque un gros mensonge pour se sortir d'une situation difficile à l'école, et le mensonge lui retombe dessus), c'est exactement (transposée) une des scènes les plus célèbres des Quatre cent coups de Truffaut.
Autrement dit, Jacaranda est d'entrée dans l'archétype / le stéréotype, donc le connu au plan des situations (y compris familiale) - et si la suite du texte (que je n'ai pas lu, je rappelle) continue dans cette veine de réarrangement de motifs classiques (sans réelle surprise), ben ça serait plus une épopée qu'un roman stricto sensu (c'est-à-dire au sens de Bakhtine).
A contrario, Emilie Querbalec singularise ses personnages par de petites notations, qui peuvent évoquer d'autres oeuvres (je me rappelle avoir pensé aux 79 carrés pour la scène où Ayden regarde la pluie cogner aux carreaux, à cause du thème de la contemplation de la nature), mais qui restent singulières - elle est dans le roman, en contact avec notre présent.
(Ne me remerciez pas pour la migraine, c'est cadeau. ^_^)
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Re: Les Sentiers de Recouvrance, Emilie Querbalec
Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :
Les prix Renaudot et Goncourt, donc un livre sur le génocide au Rwanda et un livre sur les années noires de l'Algérie, montrent bien que la littérature française n'aime principalement qu'une chose, regarder dans le rétroviseur. Ce qui n'est pas choquant, loin de là.
Tu as eu en 1919 un Goncourt attribué à À l’ombre des jeunes filles en fleurs de qui tu sais, contre l'archi favori Les croix de bois de Dorgelès. Il est vrai que les frères Rosny figuraient dans le jury.
- Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire
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Re: Les Sentiers de Recouvrance, Emilie Querbalec
et pas un livre du Bélial dans la sélection qui est l'éditeur SF par excellence. Je sais que lister c'est éliminer mais quand même...Gilles Dumay - Albin Michel Imaginaire a écrit :Les Sentiers de Recouvrance dans la sélection de Noël (SF) de Numerama (en fort bonne compagnie, d'ailleurs.).
GD
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