


Me suis fait une session Edogawa Ranpo.
D'abord avec
Edogawa Ranpo, les méandres du roman policier au Japon, recueil d'articles très intéressant dans l'ensemble, et qui m'a permis de prendre conscience de ce que l'image que nous avons de l'auteur en France diffère probablement de celle qu'il a au Japon ? La composante "
ero guro nansensu" y serait moins marquée, là où plusieurs générations de Japonais ont grandi en lisant ses récits policiers pour la jeunesse, plus ou moins
Club des Cinq ?
L'ouvrage permet aussi d'envisager la littérature policière au Japon (voire un peu au-delà) à l'époque, et la place d'Edogawa Ranpo dans tout ça, mais sans qu'il en vienne à constituer une sorte d'arbre cachant la forêt.
Ce genre de choses. Une bonne lecture.
Ca m'a donné envie de lire ses deux bouquins chez Wombat - et d'abord le roman
Le Démon de l'île solitaire.
C'est un peu un foutoir, on y trouve de tout, sans vrai souci de cohérence j'ai l'impression.
Les éléments proprement policiers, très classiques et référentiels (chambre close, ce genre de choses) sont sympathiques, qui fournissent la première matière du roman, mais, sans surprise, j'en ai surtout apprécié les glauqueries malsaines, perverses et horrifiques qui leur succèdent vers le milieu du roman, et qui pour moi en font tout l'intérêt.
Vers la fin, l'affaire vire cependant à la chasse au trésor (!?), très poesque assurément... mais qui m'a surtout paru bien puérile (et les passages policiers n'étaient pas dépourvus de ce sentiment, en y revenant).
Bizarre. Plus ou moins convaincant selon les moments et les procédés.
Puis il y a eu le recueil de nouvelles
Un amour inhumain, assez inégal également.
La nouvelle titre m'a paru ratée, surtout en ce qu'elle pourrait se voir attribuer une critique fréquente pour les mauvaises lovecrafteries : l'auteur nous promet sans cesse quelque chose de
vraiment horrible... mais en définitive non.
"L'Apparition d'Osei" m'a davantage convaincu, même en étant cousue de fil blanc.
"Les Canaux de Mars" tranche radicalement, formellement surtout : j'ai eu l'impression d'une attention au style inaccoutumée, et d'un récit au second plan, qui m'a fait l'effet d'une sorte de poème en prose, et ça c'était inattendu - intéressant.
"Les Crimes étranges du docteur Mera" m'a bien plu, un récit policier à l'ambiance fantastique oppressante - ça m'a beaucoup fait penser à "L'Araignée" de Hanns Heinz Ewers, par contre, à tort ou à raison.
"La Grenade" est une longue novella policière plus ou moins convaincante - l'auteur s'amuse avec les attentes et les intuitions du lecteur, en se jouant de son détective, mais, dans son caractère tordu, le problème est que cela demeure globalement très prévisible à partir du moment où on saisit ou l'auteur veut nous emmener.
"L'Abri antiaérien", enfin, déçoit, les tableaux apocalyptiques de la destruction de Tôkyô et le ravissement du narrateur à ce spectacle (ce qui m'a un peu rappelé
Le Pavillon d'or de Mishima, qui paraîtrait l'année suivante) virant en définitive un peu à la mauvaise blague.
A boire et à manger, donc - mais rien d'aussi fort que
La Proie et l'Ombre ou
La Chenille, hélas.