Hop !
Le joli duo que voilà ! D’un côté, au scénario, nous avons Garth Ennis (Preacher...) ; de l’autre, au dessin, nous avons Darick Robertson (Transmetropolitan...). Autant dire qu’avec The Boys, les grands esprits se rencontrent. Et, qui mieux est, les deux s’y montrent au sommet de leur forme… Le résultat est rien de moins qu’une jolie petite bombe politiquement très incorrecte (youpi !), un joyeux délire de comic book indéniablement post-Watchmen qui tape très fort là où ça fait très mal avec une jubilation perverse, et on en redemande.
The Boys, ou, en French dans ze texte, les P’tits Gars, c’est un département plus ou moins officieux de la CIA auquel on fait appel quand les super déconnent. Super-héros, super-vilains, peu importe : les super-slips, quoi. À leur tête, on trouve le British Billy Butcher, toujours accompagné de son bouledogue (très bien dressé) Terreur, et il a une sale dent contre les gugusses à super-pouvoirs. À ses côtés, il y a la Crème, colossal Black qui pense à tout, et deux authentiques psychopathes, le Français et la Fille. Et puis, dans le tome 1, on le voit recruter un nouveau, un Écossais, P’tit Hughie (inspiré pour le dessin par un Simon Pegg alors quasi inconnu, puisque c’était avant Shaun Of The Dead) ; un pauvre type dont la copine vient de crever dans une rixe entre super-slips. Butcher comprend ce qu’il ressent ; et il entend bien exploiter ce ressenti, le canaliser pour une juste cause.
Parce qu’il y a des choses à faire. Le monde n’est pas entièrement démuni face aux super. Eh ! Il y a les P’tits Gars… « Who watches the watchmen ? » C’te question ! La surveillance, ça fait partie du boulot. Mais, des fois, faut leur faire comprendre quand ils ont dépassé les bornes : alors on peut la jouer subtil, recourir au chantage par exemple… ou faire dans le moins subtil et leur coller des baffes. Leurs super-pouvoirs ? D’où tu crois qu’ils les tirent ? D’un accident dans un laboratoire ? Mon cul, ouais ! Il y a un certain produit, et les P’tits Gars en ont un p’tit stock…
Je ne vais pas vous faire un dessin : The Boys est une franche réussite. Les deux auteurs sont bien au sommet de leur forme. Garth Ennis s’y montre aussi trash et politiquement incorrect que dans les meilleurs Preacher (c’est dire le niveau), mitonnant des dialogues aux petits oignons saupoudrant des scènes tantôt révoltantes, tantôt – le plus souvent – à mourir de rire. Quant au dessin de Darick Robertson, s’il se montre plus sage que dans Transmetropolitan, il est d’une finesse et d’une précision tout à fait remarquables, et souvent très drôle également (mentions spéciales pour Terreur et pour les victimes de passages à tabac).
Le résultat est une BD inventive et drôle, couillue et salée, à la fois profondément débile et très humaine, et finalement intelligente. Probablement la meilleure chose que j’ai lue en comic super-héroïque (mais un peu déviant, certes) depuis les premiers Ex Machina et les Ultimates de Mark Millar. Ce qui n’est pas rien, tout de même. Me reste plus qu’à lire la suite, en salivant d’impatience.
Garth ENNIS & Darick ROBERTSON - The Boys
Re: Garth ENNIS & Darick ROBERTSON - The Boys
Ca me tente bien, mais il y en a déjà pas mal de parus et à 13€ la bête... Faut que je vois si je peux pas les avoir d'occasion.
En tout cas, tu viens de le remettre sur le haut de ma piles de BD à acheter avec le cycle de l'air d'Okko.
Pour rester dans la veine comics, j'ai lu le Jonah Hex qui est paru récemment. Un volume de 220 pages composé des dernières aventures du cowboy. Ca se lit, mais je n'ai eu aucun coup de coeur. Les histoires vont du médiocre au bien, mais rien d'emballant. Et à 30€ le bouquin, je dois dire que c'est un peu décevant.
En tout cas, tu viens de le remettre sur le haut de ma piles de BD à acheter avec le cycle de l'air d'Okko.
Pour rester dans la veine comics, j'ai lu le Jonah Hex qui est paru récemment. Un volume de 220 pages composé des dernières aventures du cowboy. Ca se lit, mais je n'ai eu aucun coup de coeur. Les histoires vont du médiocre au bien, mais rien d'emballant. Et à 30€ le bouquin, je dois dire que c'est un peu décevant.
Re: Garth ENNIS & Darick ROBERTSON - The Boys
J'avais aimé les premiers épisodes, et puis je m'en suis assez vite lassé, malgré quelques bons moments de temps à autre. Le jeu de massacre tourne assez vite en rond et la surenchère devient rapidement lassante. Dans le genre dégommage de super-héros, Ennis a déjà brillamment fait le tour de la question avec Hitman puis dans une moindre mesure ses premiers Punisher, là le procédé devient mécanique.
Et puis pardon mais Robertson bâcle tellement ses planches que c'en est embarassant.
Et puis pardon mais Robertson bâcle tellement ses planches que c'en est embarassant.
Re: Garth ENNIS & Darick ROBERTSON - The Boys
Nébal a écrit :The Boys, ou, en French dans ze texte, les P’tits Gars
...
Tu m'intéresses Nébal, mais je lirai The Boys en vo.
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Re: Garth ENNIS & Darick ROBERTSON - The Boys
PhilB a écrit :J'avais aimé les premiers épisodes, et puis je m'en suis assez vite lassé, malgré quelques bons moments de temps à autre. Le jeu de massacre tourne assez vite en rond et la surenchère devient rapidement lassante. Dans le genre dégommage de super-héros, Ennis a déjà brillamment fait le tour de la question avec Hitman puis dans une moindre mesure ses premiers Punisher, là le procédé devient mécanique.
Et puis pardon mais Robertson bâcle tellement ses planches que c'en est embarassant.
Ah pardon mais je n'ai pas eu d'impression, ni de lassitude, ni de bâclage dans les planches... ?
'fin bon, les coups et les douleurs...
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Re: Garth ENNIS & Darick ROBERTSON - The Boys
Nébal a écrit :Ah pardon mais je n'ai pas eu d'impression, ni de lassitude, ni de bâclage dans les planches... ?
'fin bon, les coups et les douleurs...
J'aime plutôt bien Robertson, qui en plus se débrouille souvent pour être sur des projets intéressants (et pour modérer mon post précédent, The Boys me semble évidemment une lecture plus conseillée que 99,7% du super-slip disponible dans les rayonnages actuellement, c'est juste que comparé à ce qu'Ennis à déjà fait dans un registre similaire, je suis nettement moins convaincu), mais il me semble souvent en mode 'sur-production' ces dernières années, menant plusieurs projets de front (en même temps que The Boys il a aussi réalisé une paire de mini-séries et des épisodes bouche-trou ici ou là), et la qualité finit par s'en ressentir.
De Garth Ennis, si il y a un truc à lire absolument, ce sont ses War Stories, 8 one-shots réalisés il y a quelques années avec quelques artistes prestigieux (Dave Gibbons, David Lloyd, etc.) inspirés de divers épisodes de la Deuxième Guerre Mondiale. C'est très différent du reste de son oeuvre, mais c'est souvent remarquable à tous points de vue. Par contre j'ai peur que ça n'ait pas été traduit en France.
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Re: Garth ENNIS & Darick ROBERTSON - The Boys
Ah. Je note.
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THE BOYS t.1 & 2 (Ennis/Robertson/Braun)
Dans un monde où les super-héros sont légion, une équipe de la C.I.A. est formée pour les surveiller et parfois régler les problèmes d'une façon... radicale. Faites la connaissance de Billy Butcher, du P'tit Hughie, de la Crème, du Français et de la Fille dans les 2 premiers tomes de cette série violente et politiquement incorrecte !
"Il y a dix ans, si nous avions présenté « The Boys » au grand public via une série télévisée, il n'aurait pas été intrigué. Les spectateurs auraient plus ou moins saisi les références à Batman, Superman, Hulk, peut-être même celles sur Spider-Man ou Captain America mais c'est tout.
Aujourd'hui, suite aux succès des grosses franchises cinématographiques, le public s'est ouvert au monde des super-héros. Donc, lorsqu'un avatar d'Iron Man apparaitra, ils sauront de qui il s'agit.
Ça nous facilite la tâche."
Garth Ennis
« Je sais bien que le lecteur n’a pas grand besoin de savoir tout cela, mais j’ai besoin, moi, de le lui dire. »
Jean-Jacques Rousseau
.... L’annonce d’une adaptation sous forme de série télévisée de THE BOYS la bande dessinée de Garth Ennis & Darick Robertson (d’abord publiée aux U.S.A. chez l’éditeur WildStorm puis chez Dynamite Entertainment suite à son contenu sexuel et violent trop explicite) m’a donné envie de m’y remettre, après au moins deux tentatives avortées.
Et celle-ci me semble-t-il est la bonne, puisque j’en suis (déjà) au troisième tome (dans la première version publiée par les éditions Panini) au moment où je rédige ce commentaire.
Et à la lecture des deux premiers tomes (numéros 1 à 10 de la série mensuelle) je me suis demandé si Ennis & Robertson n’avaient pas envisagé cette série sous l’angle du « what if …… ? » autrement du « et si ….. ? », une pratique somme toute assez courante dans le milieu de la BD américaine.
.... Tous ceux, qui a un moment ou un autre, ce sont intéressés à la bande dessinée d’origine étasunienne ont plus ou moins entendu parler de Fredric Wertham et de son opus intitulé « SEDUCTION OF THE INNOCENT » (« La séduction des innocents ») qui paraît aux Etats-Unis au printemps 1954.
Si la bande dessinée américaine a très tôt fait l’objet de critiques au sujet de sa vulgarité ou de son agressivité, ces campagnes qui visaient au départ par la force des choses, la BD paraissant sous forme de bandes quotidiennes ou de pages dominicales dans les journaux, n’ont eut que peu d’effet avant les années 1940.
À cette époque, et le nouveau média des illustrés de bandes dessinées (comic books) n’y est surement pas étranger lorsqu’on sait que certains d’entre eux vendaient plus d’un million d’exemplaires par mois, les attaques se font plus significatives.
Ainsi dès 1940 justement Sterling North du Chicago Daily News par exemple, n’hésite faire paraître un article où il reproche aux comic books d'avoir une mauvaise influence sur les enfants :
Mais c’est à partir de 1948 qu’apparaît un individu qui restera lié pour toujours à l’histoire de la BD américaine.
En effet, en 1948 le fameux psychiatre Fredric Wertham fait paraître un article dans le magazine Collier’s intitulé Horror in the Nursery (Horreur dans la nurserie), deux mois plus tard le 29 mai 1948 parait dans les pages de la Saturday Review Litterature son nouvel article qui cette fois s’intitule : « The Comics …. Very Funny ! » (Les comics ….. très drôle !).
Dans ses articles Fredric Wertham accuse les comic books d’être un facteur aggravant de la délinquance juvénile, un problème qui préoccupe par ailleurs sérieusement les autorités et les parents de l’époque.
Illustrés par des cases de comic books soigneusement choisies, les articles du psychiatre demandent purement et simplement d'interdire la vente de la bande dessinée au moins de 16 ans.
Toutefois, avant que la situation ne s'envenime, les éditeurs de l’époque réagissent en créant un code d’auto-régulation (dès 1948) qui comporte six points :
• Pas de glorification du crime.
• Pas de torture.
• Pas de jurons.
• Pas d’incitation au divorce.
• Pas d’attaque contre des groupes religieux.
• Pas d’attaques contre des groupes ethniques.
(Source : HISTOIRE DU COMIC BOOK DES ORIGINES À 1954/ Jean-Paul Jennequin)
Wertham peu satisfait de ce code dont il pense qu’il n’a pas d’effet réuni un certain nombre de ses articles, les remet en forme pour ce qui deviendra son livre le plus fameux donc : « SEDUCTION OF INNOCENT ».
Un ouvrage dont de larges extraits sont publiés dans le numéro du Ladies Home Journal, parution qui coïncide (hasard ou nécessité ?) avec la création d’une sous-commission d’enquête sénatoriale sur la délinquance juvénile, laquelle examinera l’influence des médias sur ce phénomène social, dont bien évidemment celle des de la bande dessinée.
Wertham y témoignera comme expert.
Pour l’opinion publique, la cause est entendue : les comic books sont un ramassis d’horreur produits par des dégénérés dans le seul but de corrompre la jeunesse. Le mot angalis seduction, suggéré à Wertham par son éditeur, évoque d’ailleurs la sexualité, la jeune vierge corrompu par un vil séducteur.
Jean-Paul Jennequin (Ibid)
Finalement le rapport de la sous-commission conclura à l’impossible de légiférer et encouragera les éditeurs à s’auto-réguler.
Ce qui sera chose faite début le début de l’année 1955 : tous les illustrés de bande dessinée publiés par les éditeurs adhérents de la Comic Magazine Association of America seront désormais soumis au Comics Code et porteront un sceau :
Extrait de l'excellent livre de J-P Jennequin
.... S’il est somme toute difficile de dire quel public ciblaient les comic books lorsqu’ils sont apparus sur la marché, on date de septembre 1935 avec la parution du premier numéro de New Comics, l'apparition "officielle" de ce nouveau support, force est de reconnaître que les enfants devinrent assez rapidement une clientèle de choix.
Ainsi ai-je trouvé une publicité paru le 1er octobre 1933 dans le supplément du Chicago Tribune pour la marque de céréales Wheatena qui visait essentiellement les jeunes enfants.
En 1933, les comic books ne sont encore que des bonus publicitaires pour fidéliser la clientèle de certaines sociétés.
Le Krypto-Ray Gun, un jouet commercialisé en 1940 (et qui fera une apparition dans un épisode de Superman daté de janvier 1941 mais paru en novembre 1940) vise lui aussi, si je puis dire cette cible de lecteurs.
En outre, dans les années 1940 le Kryptonien sera utilisé pour la promotion de la lecture auprès des jeunes ; dans son propre magazine (le Superman #4 – 02/1940) bien sûr, mais aussi dans les bibliothèques sous forme de poster (Cf. Carol L. Tilley).
Fin 1939 l'éditeur Fawcett Comics commandera un sondage dont le résultat indiquera que les lecteurs de comics sont âgés de 10 à 12 ans.
C'est d’ailleurs ce sondage, et les cogitations du staff éditorial de cet éditeur, qui aboutiront à l'invention d'un des plus populaires super-héros de l'Âge d'or : Captain Marvel dont l’alter ego est justement un enfant (Whiz Comics février 1940).
L'éditeur qui deviendra bientôt DC Comics suivra une démarche similaire en associant Batman à un sidekick (faire-valoir/partenaire) beaucoup plus jeune que le protecteur de Gotham en la personne de Robin le "Boy wonder".
L'idée de doter les héros adulte d'un sidekick est dans l'air du temps puisque quelque temps auparavant Tarzan (alias Johnny Weissmuller) lui-même, trouvera (juin 1939) un fils adoptif dans la jungle.
Je ne serais pas étonné d'apprendre que le "Seigneur de la jungle" ait influencé le gothamite masqué, lorsqu'on sait comment travaillait Bill Finger.
Ce petit intermède sur les sidekicks tout aussi intéressant soit-il, n'est bien évidemment pas innocent dans le contexte de THE BOYS.
À l’époque, la bande dessinée est un média très populaire : 775 000 exemplaires vendus par numéro pour Whiz Comics ou 1 300 000 exemplaires vendus par numéro pour Captain Marvel Adventures par exemple.
On peut donc comprendre la peur qu'a suscité le livre de Wertham ; bien que selon le romancier de science-fiction Alfred Bester, qui a aussi travaillé pour l’industrie de la bande dessinée américaine dès 1942, les éditeurs étaient très soucieux de préserver leurs jeunes lecteurs :
[…] Nous nous imposions des règles très strictes (écrit-il dans Mes amours avec la science-fiction /1975) en matière de mort et de violence. Les Bons ne tuaient jamais délibérément. Ils se battaient, mais seulement avec leurs poings. Seuls les Méchants se servaient d’armes mortelles. On pouvait montrer l’imminence de la mort – un personnage qui tombait du haut d’un gratte-ciel en criant Arrrggghhh ! – et le résultat de la mort – un corps, toujours face contre terre. Mais on ne pouvait jamais montrer l’instant de la mort ; pas de blessure, pas de visage grimaçant, pas de sang, tout au plus un couteau dépassant d’un dos. Je me souviens du choc que l’on éprouva dans les bureaux de Superman quand Chet Gould dessina une balle pénétrant le front d’un méchant dans une aventure de Dick Tracy.
Nous avions d’autres règles, tout aussi strictes. Pas question de mettre en scène des flics véreux. Ils pouvaient être idiots mais ils devaient être honnêtes. On désapprouvait la police corrompue de Raymond Chandler. Aucun appareil, scientifique ou autre, ne pouvait être utilisé sans avoir un fondement solide dans la réalité. Nous nous moquions des gadgets bizarroïdes qu’inventait Bob Kane […]. Le sadisme était chose rigoureusement tabou ; pas de scènes de torture, pas de scènes de souffrances. Et, naturellement, le sexe était complètement exclu. […]
Titre original : My affair with science-fiction, traduit par Jacques Chambon in Le livre d’or de la science-fiction : Alfred Bester
Des situations qui ne devaient donc pas êtres si équivoques que cela, et pourtant Frédric Wertham et la sous-commission sénatoriale ont imposé à l’industrie de la bande dessinée d’édulcorer encore plus leurs histoires.
.... Avant même d’avoir terminé le premier recueil des aventures des Boys l’évidence de la démarche d’Ennis & de Robertson m’était apparue : et si Wertham avait eu raison ?
En conclusion, après deux tomes, si je devais résumer THE BOYS je dirais que c'est l'univers des super-héros vu par Fredric Wertham, et compte tenu de l'imagination du bonhomme, c'est plutôt gratiné. [-_ô]
À suivre ......
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THE BOYS : Héritage
.... Pour ma part je pense qu’il n’y a pas de texte(s) sans contexte(s), et d’une certaine manière (la mienne essentiellement) la série THE BOYS entretient des accointances avec un hebdomadaire anglais dont Garth Ennis a d’ailleurs parlé dans le courrier des lecteurs de PREACHER, déclarant être à la recherche des numéros qu’il avait perdus ou vendus.
Finalement il rachètera toute la collection.
.... Tout commence peut-être avec l’hebdomadaire de bandes dessinées WARLORD, publié par l’un des deux plus populaires éditeurs britanniques de BD DC Thomson ; un magazine ne contenant que des histoires consacrées à la Seconde guerre mondiale, au ton assez agressif/réalite et cru.
Un ton qui contrastait clairement avec l’un des fleurons de la presse britannique consacré au 9ème Art autrement dit EAGLE.
Ce périodique né dans les années 1950, faisait la part belle aux héros « propres sur eux », animés par de nobles sentiments et pétris d’un idéal humaniste ; et dont la victoire ne faisait aucun doute, pas plus qu’elle ne suscitait de questions.
Tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Seulement EAGLE avait cessé de paraître en avril 1969, et les années 1970 annonçaient peut-être des jours moins radieux.
IPC, l’autre éditeur d’envergure d’outre-Manche, proposa rapidement une réponse du berger à la bergère en publiant un magazine du même calibre intitulé BATTLE.
Ces deux revues prouvaient s'il en "tait besoin qu’il y avait un public pour des histoires plus « réalistes », et dont les protagonistes n’étaient pas aussi binaires que dans les années 1950/1960, même si l’appartenance des héros au camp des bons ne faisait aucun doute.
.... Un peu avant le lancement (et la bonne réception) de BATTLE, John Sanders le directeur éditorial d’IPC s’était fait la réflexion qu’il serait peut-être temps de publier un nouveau type de magazine de bandes dessinées dont le contenu intéresserait ceux qui n’en achetaient pas d’habitude : les petits débrouillards qui passaient leur temps à zoner dehors.
Fort du succès de BATTLE, Pat Mills (qui sera aussi l’homme de 2000AD : Pour en savoir +) fut appelé à plancher sur ce qui deviendra ACTION.
Contrairement à BATTLE justement, Mills ne voulait pas faire un magazine à "thème" (la guerre par exemple) mais en proposer plusieurs différents :
• Blackjack est un boxeur noir.
• Dregger est une sorte d’espion aux méthodes radicales
• The Running Man s’inspire de la série télévisée LE FUGITIF
• Death Game 1999 est une « adaptation » du film ROLLER BALL (Pour en savoir +)
• Hook Jaw est un requin mangeur d’homme
Cette dernière série est d’ailleurs assez représentative du ton général d’ACTION.
HOOK JAW inverse la formule du modèle dont elle s’inspire.
Là où le cinéaste américain Steven Spielberg privilégie le suspense, la tension, le hors-champ et l’implicite ; le requin d'ACTION fait étalage d’une violence très explicite et sans équivoque.
À ceux qui reprochaient la violence gratuite de cette série étalait à longueur de page, d’autres expliquaient que Hook Jaw était l’expression d’une vengeance, celle de la Nature elle-même contre la méchanceté des êtres humains corrompus et malfaisants.
"The Sevenpenny Nightmare" tel que sera surnommé ACTION était un concentré de rébellion, avec tout le cynisme et la violence que cela implique, proposant des histoires à la tonalité punk et au propos tout aussi anarchiste que le mouvement inauguré par les Sex Pistol au Royaume-Unis.
Si comme l’a dit Alan Moore, la bande dessinée anglaise était avant tout un média de la classe ouvrière, ACTION était un magazine qui s’adressait à la frange de la classe laborieuse la plus potentiellement dangereuse.
L’un des nouveaux scénaristes recruté par IPC pour écrire dans ACTION, Steve McManus, dira que c’était le premier périodique destiné à la classe ouvrière dont les héros étaient eux aussi des prolétaires.
Ce qui n'était peut-être pas du goût de tout le monde.
Magazine violent certes : on y verra outre les aventures de Hook Jaw, Dregger l’agent secret tuer un chien de ses mains ou, une jeune femme jeter un bouteille du bord d’un terrain de football pour permettre à son petit copain de joueur de se défaire d’un « marquage à la culotte » un peu trop vicieux.
Mais ACTION c’était aussi un magazine de BD qui mettait en scène un Noir comme personnage principal, ou qui racontait des histoires de la Seconde guerre mondiale du point de vue d’un tankiste allemand.
.... Avec une pointe au début de 250 000 exemplaires puis une moyenne de 180 000 numéros écoulés par semaine, ACTION avait de quoi énerver et ce qui devait arriver arriva ; en octobre 1976 neuf mois après son premier numéro il cessa de paraître.
Même si en novembre de la même année un ACTION très édulcoré réapparu sur les linéaires pour une année supplémentaire.
Les contingences de production étant ce qu’elles sont, chaque numéro était bien sûr préparé plusieurs semaines avant sa sortie.
L’annulation du titre survint alors que quelques exemplaires du numéro 37 (daté du 23 octobre 1976) avaient déjà été imprimés.
Ce numéro très rare, a été vendu 2 555 £ (un peu plus de 3250 €) en 2015 sur Ebay.
Un extrait du numéro 37
.... En conclusion, je ne serais pas étonné d’apprendre par la propre bouche d’Ennis, que THE BOYS doit beaucoup à cet hebdomadaire des années 1970.
Pas seulement la représentation de la violence mais aussi tous les thèmes que cette série explore et la manière dont elle le fait.
J’aimerais terminer ce commentaire avec une petite anecdote.
Peu après l’arrêt d’ACTION Pat Mills sera amené à réfléchir à un nouvel hebdomadaire de science-fiction pour IPC. Et dans ce magazine intitulé 2000AD, le personnage qui en deviendra la figure de proue, le maintenant célèbre Judge Dredd, doit une fière chandelle au périodique dont je viens de retracer brièvement l’existence.
En effet, la série JUDGE DREDD est une inversion de la formule utilisée dans ACTION.
L'anti-autoritarisme viscérale, et la violence commise par les prolétaires d'ACTION, deviendra une autorité totalitaire aux mains de super-policiers du futur faisant un usage immodéré de la violence contre des criminels ou reconnus comme tels.
Ces mêmes criminels qui auraient peut-être été les personnages principaux d’ACTION.
Une sorte de changement dans la continuité en somme.
[-_ô]
Finalement il rachètera toute la collection.
.... Tout commence peut-être avec l’hebdomadaire de bandes dessinées WARLORD, publié par l’un des deux plus populaires éditeurs britanniques de BD DC Thomson ; un magazine ne contenant que des histoires consacrées à la Seconde guerre mondiale, au ton assez agressif/réalite et cru.
Un ton qui contrastait clairement avec l’un des fleurons de la presse britannique consacré au 9ème Art autrement dit EAGLE.
Ce périodique né dans les années 1950, faisait la part belle aux héros « propres sur eux », animés par de nobles sentiments et pétris d’un idéal humaniste ; et dont la victoire ne faisait aucun doute, pas plus qu’elle ne suscitait de questions.
Tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Seulement EAGLE avait cessé de paraître en avril 1969, et les années 1970 annonçaient peut-être des jours moins radieux.
IPC, l’autre éditeur d’envergure d’outre-Manche, proposa rapidement une réponse du berger à la bergère en publiant un magazine du même calibre intitulé BATTLE.
Ces deux revues prouvaient s'il en "tait besoin qu’il y avait un public pour des histoires plus « réalistes », et dont les protagonistes n’étaient pas aussi binaires que dans les années 1950/1960, même si l’appartenance des héros au camp des bons ne faisait aucun doute.
.... Un peu avant le lancement (et la bonne réception) de BATTLE, John Sanders le directeur éditorial d’IPC s’était fait la réflexion qu’il serait peut-être temps de publier un nouveau type de magazine de bandes dessinées dont le contenu intéresserait ceux qui n’en achetaient pas d’habitude : les petits débrouillards qui passaient leur temps à zoner dehors.
Fort du succès de BATTLE, Pat Mills (qui sera aussi l’homme de 2000AD : Pour en savoir +) fut appelé à plancher sur ce qui deviendra ACTION.
Contrairement à BATTLE justement, Mills ne voulait pas faire un magazine à "thème" (la guerre par exemple) mais en proposer plusieurs différents :
• Blackjack est un boxeur noir.
• Dregger est une sorte d’espion aux méthodes radicales
• The Running Man s’inspire de la série télévisée LE FUGITIF
• Death Game 1999 est une « adaptation » du film ROLLER BALL (Pour en savoir +)
• Hook Jaw est un requin mangeur d’homme
Cette dernière série est d’ailleurs assez représentative du ton général d’ACTION.
HOOK JAW inverse la formule du modèle dont elle s’inspire.
Là où le cinéaste américain Steven Spielberg privilégie le suspense, la tension, le hors-champ et l’implicite ; le requin d'ACTION fait étalage d’une violence très explicite et sans équivoque.
À ceux qui reprochaient la violence gratuite de cette série étalait à longueur de page, d’autres expliquaient que Hook Jaw était l’expression d’une vengeance, celle de la Nature elle-même contre la méchanceté des êtres humains corrompus et malfaisants.
"The Sevenpenny Nightmare" tel que sera surnommé ACTION était un concentré de rébellion, avec tout le cynisme et la violence que cela implique, proposant des histoires à la tonalité punk et au propos tout aussi anarchiste que le mouvement inauguré par les Sex Pistol au Royaume-Unis.
Si comme l’a dit Alan Moore, la bande dessinée anglaise était avant tout un média de la classe ouvrière, ACTION était un magazine qui s’adressait à la frange de la classe laborieuse la plus potentiellement dangereuse.
L’un des nouveaux scénaristes recruté par IPC pour écrire dans ACTION, Steve McManus, dira que c’était le premier périodique destiné à la classe ouvrière dont les héros étaient eux aussi des prolétaires.
Ce qui n'était peut-être pas du goût de tout le monde.
Magazine violent certes : on y verra outre les aventures de Hook Jaw, Dregger l’agent secret tuer un chien de ses mains ou, une jeune femme jeter un bouteille du bord d’un terrain de football pour permettre à son petit copain de joueur de se défaire d’un « marquage à la culotte » un peu trop vicieux.
Mais ACTION c’était aussi un magazine de BD qui mettait en scène un Noir comme personnage principal, ou qui racontait des histoires de la Seconde guerre mondiale du point de vue d’un tankiste allemand.
.... Avec une pointe au début de 250 000 exemplaires puis une moyenne de 180 000 numéros écoulés par semaine, ACTION avait de quoi énerver et ce qui devait arriver arriva ; en octobre 1976 neuf mois après son premier numéro il cessa de paraître.
Même si en novembre de la même année un ACTION très édulcoré réapparu sur les linéaires pour une année supplémentaire.
Les contingences de production étant ce qu’elles sont, chaque numéro était bien sûr préparé plusieurs semaines avant sa sortie.
L’annulation du titre survint alors que quelques exemplaires du numéro 37 (daté du 23 octobre 1976) avaient déjà été imprimés.
Ce numéro très rare, a été vendu 2 555 £ (un peu plus de 3250 €) en 2015 sur Ebay.
Un extrait du numéro 37
.... En conclusion, je ne serais pas étonné d’apprendre par la propre bouche d’Ennis, que THE BOYS doit beaucoup à cet hebdomadaire des années 1970.
Pas seulement la représentation de la violence mais aussi tous les thèmes que cette série explore et la manière dont elle le fait.
J’aimerais terminer ce commentaire avec une petite anecdote.
Peu après l’arrêt d’ACTION Pat Mills sera amené à réfléchir à un nouvel hebdomadaire de science-fiction pour IPC. Et dans ce magazine intitulé 2000AD, le personnage qui en deviendra la figure de proue, le maintenant célèbre Judge Dredd, doit une fière chandelle au périodique dont je viens de retracer brièvement l’existence.
En effet, la série JUDGE DREDD est une inversion de la formule utilisée dans ACTION.
L'anti-autoritarisme viscérale, et la violence commise par les prolétaires d'ACTION, deviendra une autorité totalitaire aux mains de super-policiers du futur faisant un usage immodéré de la violence contre des criminels ou reconnus comme tels.
Ces mêmes criminels qui auraient peut-être été les personnages principaux d’ACTION.
Une sorte de changement dans la continuité en somme.
[-_ô]
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THE BOYS t.1 à 19 (Ennis/Robertson/Braun)
« Nous avions prévu le pire, mais quand il advient, il est encore pire que tout ce que nous avions imaginé : il est réel ». Yves Michaud
.... THE BOYS est une série qui joue à armes égales avec toutes celles qui ont ausculté le genre dominant de la bande dessinée américaine en profondeur (sans jeu de mots) en disons, « rationalisant » le phénomène et en le poussant dans ses derniers retranchements.
À l’instar de MARVELMAN (alias MIRACLEMAN), de WATCHMEN, de MARVELS, de KINGDOME COME, voire de PLANETARY ou de L’ESCADRON SUPRÊME.
Garth Ennis a réfléchi à ce qui pourrait être à l’origine de l’apparition de ce qu’on appelle un super-héros et à partir de là, invente une uchronie dont cette origine est le « point divergent » par rapport à notre plan de réalité.
Il y mêle habilement l’Histoire et l’histoire de la bande dessinée d’outre-Atlantique et créé un monde très très crédible, à la fois proche du notre mais néanmoins plein de surprises, tout en envisageant l’évolution de ce type d’individus et leurs répercussions sur la société.
Je ne sais évidemment pas si Ennis a envisagé son histoire en pensant à Fredric Wertham, mais ce qu’il nous montre des comportements des « Supers » correspond assez aux fantasmes du psychiatre de SEDUCTION OF THE INNOCENT.
J’avançais également dans un de mes précédents commentaires la possible influence de la BD anglaise sur le scénariste ; là aussi tout aussi évidemment il s’agit d’une théorie, mais tout me porte à croire que l’origine très working class des héros de THE BOYS, la violence exacerbée qu’on y trouve viennent de l’hebdomadaire anglais Action, un périodique pour lequel Garth Ennis a montré beaucoup d’attachement.
Cela dit imaginer rétrospectivement les sources d’une idée comme je le fais ici peut donner l’impression qu’il est extrêmement facile d’inventer quelque chose de « nouveau » en s’appuyant sur tel ou tel auteur, ou telle ou telle idée antérieure.
Il n’en est rien, ni pour Ennis ni pour quiconque.
Ainsi par exemple, a-t-on dit (Grant Morrison pour être précis) que WATCHMEN et WHAT EVER HAPPENED TO THE MAN OF TOMORROW ? d’Alan Moore devaient tout à la lecture du roman SUPER-FOLKS (Pour en savoir +).
Pourtant de nombreux lecteurs avaient certainement lu ce roman au même moment que Moore (s'il l'a lu ?), mais combien en ont fait deux chefs-d’œuvre ?
« Chef-d’œuvre » le mot est lâché.
À mes yeux THE BOYS en est un (tout comme les deux titres de Moore cités) mais dans le sens artisanal du terme si je puis dire.
En effet THE BOYS montre la parfaite maîtrise du scénariste tout comme le chef-d'oeuvre d'un compagnon doit faire la preuve de sa valeur et de son habileté professionnelle.
Sauf que là Ennis n'a rien à prouver.
Dans cette série le scénariste irlandais accumule tous ses thèmes de prédilection et les porte à un niveau d’aboutissement qui fait plaisir à lire.
A tel point que certains arcs (narratifs) ou certains numéros pourraient très facilement être sortis de la série et être lus pour ce qu’ils sont : d’excellentes histoires à part entière sur un des thèmes qui lui sont chers ; mais dont l’absence infirmerait l’idée même de chef-d’œuvre.
Paradoxalement ce qui fait la notoriété de la série en fait aussi à mes yeux, son talon d’Achille.
THE BOYS est certainement d’abord, voire seulement, connu pour avoir repoussé les limites de la violence et du sexe explicites dans une série mainstream.
Réputation méritée mais qui oblitèrent la richesse du scénario : Ennis n’économise ni les rebondissements ni les cliffhanger, et je doute que quiconque s’attende à ce qui se passe dans les pages de la série.
Il n'oublie jamais ses personnages, travaillée en profondeur (sans jeu de mots là non plus) ; et si on parle souvent de leur « épaisseur psychologique », à ma connaissance peu sont du format des p’tis gars.
.... A ce stade de votre lecture vous avez compris que THE BOYS fait partie des meilleurs séries que j’ai jamais lues, et que Garth Ennis est assis à la même table qu’Alan Moore, Guillermo del Toro ou encore Joe R. Lansdale dans le restaurant de mes auteurs favoris.
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